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Un portrait dans FAIRE

Le n°13 du magazine FAIRE vient de sortir avec un beau reportage (12 pages !) sur mon travail à l’atelier.
Merci Ruth Ribeaucourt pour ce n° exceptionnel où la passion de l’artisanat se décline sous toutes les formes et au travers de talents toujours singuliers !
Vous pouvez vous le procurer (en anglais) dans toutes les bonnes librairies ou sur internet ici
https://www.fairepress.com/shop/p/issue-13

« Myriam Balaÿ is a French textile artist whose work blurs the boundaries between craft and design. Based in Nîmes, she creates intimate, handwoven pieces using salvaged threads, often sourced from forgotten archives and vintage stock. »

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Un jour, j’ai retrouvé une boîte remplie de bobines anciennes. Certaines venaient de brocantes, d’autres étaient des trésors de famille. Je les ai déroulées, senties, manipulées. Et j’ai commencé à expérimenter presque par jeu, à nouer, tresser, assembler. Sans plan. Juste guidée par la main. Le résultat m’a parlé. C’était minuscule, mais juste. J’ai recommencé. Un fil, un autre, un rythme, une couleur. J’en suis venue à fabriquer mon propre métier à tisser pour avoir un outil sur mesure  et ces objets sont devenus des bracelets. Ils n’étaient pas conçus comme des bijoux, mais plutôt comme des palettes de couleurs. Chaque fil portait une histoire, chaque composition était unique. J’ai décidé de lancer un projet autour de ces bracelets, que j’ai appelés Loom. Ce mot m’évoquait à la fois le métier à tisser et le surgissement de quelque chose.

Ce projet a attiré l’attention de la boutique Merci à Paris, qui m’a offert une première exposition lors d’une fashion week. Une table, des fils, de la lumière. Les réactions m’ont surprise. Les gens comprenaient. Ils touchaient, ils regardaient de près, ils racontaient leurs propres souvenirs en lien avec des tissus, des gestes anciens. Très vite, des boutiques prestigieuses m’ont proposé de diffuser mes créations : Tokyo, New York, Séoul, Londres, Amsterdam, Milan, Rome, New York, Athènes, Madrid … Mon univers résonnait ailleurs, loin, dans d’autres cultures !
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Créer, pour moi, est un acte quotidien, presque méditatif. Je me lève tôt, je prépare un café sans sucre avec une goute de lait (qu’on appelle ici « noisette »),  et je commence à travailler tandis que la ville s’éveille. Je réponds aux commandes passées sur mon site ou bien je me laisse guider par les fils, les textures, les couleurs, sans plan précis. La photographie fait également partie de ma pratique, capturant des instants, des compositions, des jeux de lumière. Une chaise devant une fenêtre, un drap froissé, une bobine de fil à moitié dévidée… Ce sont des natures mortes, mais elles palpitent.
Mon univers se tisse entre trois mots : mémoire, matière, minimalisme.

Je travaille presque exclusivement avec des fils anciens, une démarche consciente qui s’inscrit dans une volonté de durabilité et de respect de la matière.
Certains viennent de brocantes, d’autres de stocks de manufactures ayant périclitées. Ils ont des irrégularités, des nœuds, des variations de couleur qui racontent leur histoire. Travailler avec eux, c’est accepter de ne pas tout contrôler. Parfois, le fil torsade, une teinte ne correspond pas – et c’est précisément là que la magie opère.
Ces fils portent une mémoire, une histoire, une âme.
Les utiliser, c’est faire le choix de la lenteur, de l’authenticité.
Je ne cherche pas la perfection. Je cherche la justesse. Et cette justesse, je la trouve souvent dans la limitation. Chaque pièce est une improvisation maîtrisée. Et c’est ce qui me plaît.

Je suis parfois qualifiée d’« artisan du luxe à la française ». Je le prends comme un compliment, même si je me méfie des étiquettes. Pour moi, le vrai luxe, c’est le temps. Le temps de choisir un fil, de composer une image. C’est le geste qui ne triche pas. L’artisanat est une résistance silencieuse à la standardisation. Il demande de l’attention, de la patience.
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